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Les médecines alternatives

Ce livre ne parle pas des médecines alternatives, parallèles, douces, naturelles, etc. Il interroge leurs fondements, en les confrontant à deux grandes logiques, ou bases épistémologiques : celle de la méthode scientifique, et celle de la foi.
Pascal Ide prévient le lecteur :
L’intention du livre n’est pas de passer en revue toutes les médecines complémentaires, mais, en répondant aux objections, de proposer des critères généraux de discernement, conjurant le double péril symétrique de l’accueil inconditionnel et de la méfiance systématique.

La démarche est particulièrement intéressante, car elle se situe aux antipodes des attitudes antagonistes

  1. de ceux qui condamnent les médecines alternatives au nom d’une soi-disant rationalité inébranlable (mais doit-on rappeler que la rationalité, dès lors qu’elle se base sur une démarche scientifique est sans arrêt remise en doute, retravaillée, et d’autre part s’il s’agit de médecine, il s’agit d’un art).
  2. de ceux qui ont une confiance aveugle dans leurs pouvoirs, ou qui s’inscrivent, tel le new-age, dans un ensemble de croyances et de modèles.

Cette démarche conduit l’auteur à analyser très précisément des logiques diverses auxquelles il nous convie à nous ouvrir tout en gardant notre esprit critique (mais pas de critique).

Il diagnostique la médecine conventionnelle : “la médecine conventionnelle encore massivement enseignée et pratiquée est une médecine que l’on pourrait qualifier d’atomistique, parce qu’elle découpe le corps. Elle sépare la personne de son environnement : le premier médecin ne prend pas en compte le contexte particulier du confinement. Elle sépare, dans la personne, le corps de l’esprit, c’est-à-dire les signes physiques du vécu intérieur : le médecin formé à la faculté n’interroge pas le patient sur la manière dont il vit son travail ou ses tensions. Enfin, elle sépare le corps en organes distincts : c’est là le point le plus frappant, le médecin allopathe ne s’étonne pas de ce que quatre signes apparaissent de manière quasi concomitante et multiplie les diagnostics sans faire de connexion.”

Il interroge aussi des concepts qui traversent les logiques thérapeutiques qu’il explore. Par exemple, toute l’importance de l’intériorité, ou encore, de quoi parle-t-on à propos des thérapies fondées sur la nature :
Cette ignorance concernant ces médecines non conventionnelles conduit parfois à suspecter leur caractère naturel – ce qui est d’autant plus paradoxal qu’elles sont qualifiées de « naturelles ». Cette suspicion qui se contente souvent de déconstruire telle ou telle médecine ou thérapie (« Sa seule efficacité relève de l’effet placebo ») va jusqu’à s’inquiéter de son éventuelle essence démoniaque. Par exemple, certains se demandent si la suggestibilité – l’efficacité de la suggestion étant supérieure à l’effet placebo20 – ne relèverait pas de la médiumnité et si l’hypnose ne serait pas une forme occult(é)e de spiritisme qui dissocierait le corps de l’âme, et dépersonnaliserait.

Sa réponse est bien sûr résolument négative. Et son explication de l’hypnose Ericksonienne est intéressante car elle répons sur le fond à sa caractéristique de “médecine naturelle” :
Or, il faut clairement affirmer que « la capacité d’entrer en état d’hypnose est naturelle2 ». Quatre critères, entre autres, l’attestent. Tout d’abord, cette capacité est « universelle26 » ; certes, les personnes sont diversement suggestibles27, mais elles le sont toutes. Or, répétons-le, la nature est ce qui arrive « ut in pluribus : le plus souvent ». Ensuite, nous exerçons cette capacité constamment, par exemple, dès que nous sommes focalisés sur notre monde intérieur28. Or, est naturel ce qui est spontanément exercé et qualifie nos actions. Peut aussi être qualifié de naturel ce qui s’enracine dans des processus organiques réguliers. Or, de nombreuses études montrent toujours plus précisément les mécanismes qui sont mis en jeu dans l’état de conscience hypnotique, par exemple les modifications de la connectivité au sein du réseau attentionel, particulièrement au niveau du cortex préfrontal dorso-latéral. Voire, il existe toute une littérature sur les réponses cérébrales liées aux métaphores que l’hypnose ericksonienne mobilise à titre thérapeutique29. Enfin, la nature n’est pas seulement ce qui est le plus fréquent, mais ce qui est bon30. Or, l’état hypnotique est bienfaisant. « La transe spontanée est l’une des rares protections naturelles contre la douleur intense : dans les situations de stress insupportable, le mieux est de se glisser dans un état d’hypnose pour se protéger31. »

Les notes de bas de page témoignent d’un travail sérieux de recherche et de diversité des sources :
Cf. Gwenda L. Schmidt & Carol A. Seger, « Neural correlates of metaphor processing : the roles of figurativeness, familiarity and difficulty », Brain and Cognition, 71 (2009) no 3, p. 375-386 ; Nira Mashal, Tali Vishne & Nathaniel Laor, « The role of the precuneus in metaphor comprehension : evidence from an fMRI study in people with schizophrenia and healthy participants », Frontiers in Human Neuroscience, 71 (2014) no 8, p. 818 ; Francesca M. M. Citron et al., « Conventional metaphors in longer passages evoke affective brain response », NeuroImage, 139 (2016), p. 218-230 ; Lili Tian et al., « The role of motor system in action-related language comprehension in L1 and L2 : An fMRI study », Brain and Language. 201 (février 2020), 104714.

  1. « Dans les oeuvres de la nature, le bien se trouve le plus souvent [ut in pluribus], mais le défaut et le mal le plus rarement [ut in paucioribus] » (saint Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia, q. 23, a. 7, arg. 3 et ad 3um).
  2. Antoine Bioy et Marie-Élisabeth Faymonville, La révolution de l’hypnose, op. cit., p. 24.
Un exemple de la façon dont les médias officiels traitent la question : générer le discrédit et la peur, là où il faudrait du discernement.

La personne humaine dans l’œuvre de Jung – Âme et spiritualité



Se procurer le livre : La personne humaine dans l’œuvre de Jung – Âme et spiritualité

La spiritualité ? La puissance de l’esprit sur la matière

Didier Lafargue aux Editions du Désir

 

 

 

Voir aussi le livre de Frédéric Lenoir sur Jung

Extrait – L’harmonie universelle

La vie contemplative sur laquelle met l’accent la sagesse orientale vise à nous faire prendre conscience de la relativité de toutes les idées émises par l’intelligence humaine, dans la mesure où elles n’ont de sens que les unes par rapport aux autres et n’ont rien de définitives en elles-mêmes. Ceci, l’Orient a tenté de l’exprimer par sa croyance en l’harmonie universelle, celle issue d’un accord entre principes divergents. C’est ce que Jung appelle la conjonction des opposés.

Pour notre psychologue, le tour combatif pris par le culte chrétien, issu de cette tendance à opposer le bien et le mal, risquait de mener l’homme à commettre des actes inconsidérés. « Le caractère intolérable des opposés dans la psychologie chrétienne provient de leur exacerbation morale »8. Conformément à l’optique chrétienne, l’homme aspire au bien et succombe au mal, ainsi que le lui enseigne l’histoire de la Création suivie de la chute. La recherche effrénée du bien et le rejet catégorique de tout mal qui en résultent, lui fait connaître le danger d’être aveuglé par ses passions. Pourtant, toute chose n’acquiert force et caractère que par son contraire. Il n’est d’authentique progrès pour l’homme qu’en les confrontant l’une à l’autre puisque tout bien n’existe que par rapport à un mal correspondant et qu’il faut à chacun tout son jugement pour en avoir la plus juste notion. « Pour exister toute chose a besoin de son contraire, sinon elle s’affaiblit jusqu’à l’inexistence »9. Cette idée, Héraclite l’avait déjà émise voici plus de deux mille ans. L’originalité de sa pensée résidait dans la vision qu’il avait du conflit entre les contraires, celui régissant un univers pour lui théâtre de forces agissantes et antagonistes : le jour et la nuit, la vie et la mort, la beauté et la laideur, l’amour et la haine, l’ordre et le désordre… Plus que leur combat, leur complémentarité permettait au monde de s’édifier puisque, conformément à la volonté divine, ils étaient liés entre eux.

Jung estimait cette philosophie en accord avec la réalité humaine dans la mesure où il n’existe rien de complètement fixé ici-bas et où tout ce qui régit notre existence demeure relatif. Il n’est que de comparer les civilisations et les règles morales auxquelles chacune obéit pour s’apercevoir de leur différence, voire de leur opposition. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà » disait Pascal. Savoir que les mentalités et les conceptions varient selon les époques et les lieus incite l’homme à s’interroger sur lui-même et l’oblige à un effort de réflexion approfondi sur le sens de ses actes. Jung pense qu’une telle conduite justifie le développement de la psychologie car, pour éviter de se laisser hypnotiser par la séduction de l’idée, obligation est faite à l’individu de se pencher sur sa personne et de comprendre les motivations qui la dirigent. Toute décision prise consciemment a son répondant dans l’inconscient et il ne sert à rien de fixer son esprit sur une chose déterminée si les messages envoyés par celui-ci lui sont défavorables. C’est précisément le sens revêtu par la conjonction des opposés, à savoir que l’homme ne peut être totalement lui-même que s’il consent à se remettre en question, la première manifestation des forces contraires s’exprimant bien dans le couple conscient-inconscient. En observant son âme et en comprenant la relativité des principes qui exercent sur lui leur attrait, il pourra assumer avec dignité les inévitables conflits de devoirs qu’il aura à connaître dans sa vie. « La contemplation des opposés enseigne à l’homme oriental le caractère de la maya. Elle confère à la réalité le caractère de l’illusion. Derrière les opposés, et dans les opposés, se trouve la vraie réalité qui voit et embrasse le tout »10. C’est cet idéal que tentaient d’atteindre les alchimistes et la quête de la pierre philosophale trouvait chez eux tout son sens dans leur effort pour dépasser ces forces divergentes.

(…)

L’initiation avec Annick de Souzenelle

Voir la page L’initiation

Quelques extraits de la vidéo

Sur le chemin de soi-même

L’initiation c’est mettre sur le chemin l’étymologie du mot, c’est ça, c’est mettre sur le chemin. Sur quel chemin c’est évident que c’est sur le chemin de soi-même.
Ce qui est important, c’est de d’initier les êtres à aller vers cette connaissance cette cette connaissance de la dynamique de vie dans laquelle ils sont appelés à entrer
C’est justement des rituels qui étaient extrêmement fort chez les Grecs, mais il n’y avait pas que chez les Grecs, il y avait bien sur en Australie, en Afrique, partout et il y en a encore d’ailleurs dans ces pays-là, des rites d’initiation qui avait pour but de de faire entrer les jeunes et en particulier les adolescents, dans un un monde intérieur à eux-mêmes afin qu’ils ne soient plus esclaves du monde extérieur, mais qu’ils sachent aussi qu’ils aient une destinée dans leur vie intérieure. Il semblerait que les jeunes pratiques sur eux-mêmes une auto initiation. A  notre époque le drame, c’est que tout ça est complètement perdu. Ces initiations, surtout pour les adolescents, elle consistait essentiellement pour les garçons, à leur faire quitter le monde maternel. Le monde de la mère. Le monde du féminin pour qu’ils entrent dans le monde, un monde vraiment masculin. Et est le père, il était chargé à ce moment-là de les conduire vers leur j’allais dire vers leur mère intérieur, c’est-à-dire vers ce que la Bible appelle la Adama, le féminin de l’Adam. Nous avons un potentiel fantastique à l’intérieur de nous, c’est ce monde féminin à l’intérieur de nous. Lorsque nous restons attachés au monde féminin, extérieur à la mère.

….

Aujourd’hui, la question est de choisir la vie

De tous les arbres du jardin, dit le seigneur parce que tu es un mangeant, tu dois manger. Mais de l’arbre de la connaissance de l’accompli et du non encore accompli, tu ne dois pas manger car dans le jour ou tu en mangeras parce que tu es un mutant, tu muteras. ça c’est très important parce que c’est une phrase de la Genèse. Qui n’a jamais été traduite de cette façon là.
Tout d’abord le, quand il est question de l’arbre de la connaissance il était appelé jusqu’à aujourd’hui du bien et du mal. Nous ne pouvons plus rester dans les catégories de bien et de mal, ça reste quelque chose qui a dû être intégré, mais qui doit être dépassé aujourd’hui, nous, nous le savons bien d’ailleurs parce que nous vivons une époque ou nous sommes devant des questions de vie ou de mort. Maintenant, il s’agit de choisir la vie, c’est évident, et c’est ces 2 mots hébreux. L’un non pas du bien, mais de ce qui est accompli, de nous, de ce qui est devenu, de l’information devenue de la connaissance et de ce qui reste à l’intérieur de nous, qui n’est pas devenu de la connaissance, nous dirions aujourd’hui de l’inconscient. Encore, si vous voulez c’est cette dialectique là qui est extrêmement importante. Ce n’est que en en allant vers soi-même que l’on découvre les énergies potentielles qui sont à l’intérieur de nous, qui sont de l’autre côté de notre être. Cet autre coté n’ayant jamais été une côte que le Seigneur a pris pour en faire une femme. C’est ridicule, c’était assez inventif. Il faut qu’on sorte de ces images d’Épinal. Il s’agit de cette autre côté de tout être humain. Cet autre côté est un, et après le féminin de l’être, c’est un féminin encore voilé et on a tout confondu. On a volé la femme à l’extérieur, au lieu justement de comprendre qu’il s’agit de ce monde voilée à l’intérieur. Il s’agit donc d’aller enlever les voiles. Voyez-vous de nommer nommer toutes ces énergies, de les travailler, de les travailler avec le Seigneur intérieur à chacun pour que cette énergie donne son information. C’est ainsi que l’on construit l’arbre de la connaissance, les petit à petit d’ailleurs, donc nous avons dans les termes, dans les temps hébreux, nous avons gardé. Ces 2 pôles, le temps hébreu sont essentiellement le temps de l’accompli et le temps du pas encore accompli.

La mort est une mutation

(…) Parce que tu es un mangeant et en effet, il faut intégrer ces énergies, le verbe manger est symbolique, n’est-ce pas ? C’est intégrer les énergies potentielles qui sont à l’intérieur de nous dans le jour ou tu mangeras de ce fruit, de cet arbre tu mettras ? Ce n’est pas le verbe mourir, le verbe mourir. En fait, la mort est une mutation. Cette mort est résurrection, c’est le passage à un autre niveau

(…) Dieu aime la mort de ses serviteurs par exemple. Alors on dit, qu’est-ce que c’est que ce Dieu est sadique ? Il ne s’agit pas d’amour. Il s’agit des mutations des serviteurs.

(…) alors l’âme, ça serait le féminin, le féminin de l’être, c’est tout. Ce féminin potentiel, voyez-vous, c’est une âme psychique animale pour commencer, et elle est appelée à être transformée, à être transmutée. C’est toute une alchimie intérieure qui se joue, qui est quelque chose de fabuleux et de merveilleux et qui deviendra une arme spirituelle à ce moment-là, c’est l’esprit en l’homme qui fait ce travail avec le Seigneur.

(…) Nous sommes à une période aujourd’hui. Où il faut absolument dépasser les notions de mal, l’interdit et cetera. Et parce que. Refoulées, tout ça dans les grilles derrière des grilles des interdits. C’est un refoulement destructeur alors que nous avons assumé à prendre en main les démons de notre être. Ces démons deviennent des Anges.

(…) Selon une certaine tonalité, l’acte d’écrire engage l’âme et le corps, toutes ses facultés psychiques et sensibles sont mises à contribution dans cette action totalisante. Le récit initiatique lorsqu’il s’enclenche, fonctionne comme marqueur au départ d’un nouveau chemin. (…) Il devient maintenant parole de la conscience. Âme.

Jung et l’alchimie 1 – Didier Lafargue

Un extrait du livre de Didier Lafargue : La personne humaine dans l’œuvre de Jung – T. 2 Âme et spiritualité – Disponible ici

Alchimie et renaissance de l’âme.

« L’alchimie reprend et prolonge le Christianisme. Le christianisme a sauvé l’homme, mais non la nature ». Précisément, dans son intérêt pour le monde naturel, l’alchimie proposait un remède aux défaillances issues de la voie où s’était engagée l’Église officielle.

Dans sa volonté de connaître toutes les formes de spiritualité connues par l’humanité, Jung s’est intéressé à celles les plus cachées, les plus ésotériques et les plus en marge des croyances officielles, afin de déceler des traces visibles des symboles archétypiques dont il voulait montrer l’universalité. Ainsi a-t-il éprouvé un vif intérêt pour l’alchimie, cet art occulte, mystérieux et original que certains hommes ont pratiqué aux époques médiévales et modernes et qui a exercé une fascination indéniable sur les esprits de leur temps. « L’alchimie est la mère des contenus essentiels de la pensée » soutenait-il.

La tradition a présenté l’alchimie comme l’art de transmuter les métaux. Ceux qui le pratiquaient supposaient que ces derniers étaient vivants, et que leur destination était de se transformer en or, métal parfait. A terme, ils rêvaient d’obtenir la pierre philosophale censée communiquer à son détenteur toute sorte de pouvoirs merveilleux. L’alchimie est ainsi passée à la postérité comme étant « l’art de faire de l’or », en vertu de quoi ses adeptes furent considérés comme des hommes uniquement préoccupés de s’enrichir par la découverte des secrets de la matière. Pourtant, au-delà de buts aussi matériels existait une alchimie mystique davantage attachée à la vie du cosmos régi par Dieu ainsi qu’à l’âme humaine et à son devenir spirituel. Ce choix était celui d’hommes profondément croyants dont toute la vie était réglée par le sens du sacré et qui avaient pour désir véritable de faire naître un nouvel être humain, accompli et spiritualisé.

Transformation, transmutation

A partir de là, on en est venu de nos jours à désigner sous le terme d’alchimie toute opération de transformation quelle que puisse être sa nature. Peut-être en effet considérée comme alchimique chaque tentative pour faire passer les choses d’un état initial et élémentaire à un état élaboré et achevé. Principe tourné vers l’action et le dynamisme, l’alchimie s’oppose à tout ce qui est sur terre inerte et immobile, fait en sorte que ce qui existait déjà à l’état latent émerge et s’anime. A l’image de l’agriculture qui permet que d’une graine naisse une plante, elle exprime la vie animant la matière et le pouvoir de Dieu dans la nature. Ce qui est vrai pour celle-ci l’est aussi bien pour l’homme, car le but de son existence est de mener à bien l’opération alchimique visant à transcender son âme.

Par conséquent, le but de l’alchimiste n’est pas tant la recherche de l’or dans son acceptation la plus stricte que l’épuration de l’âme et les métamorphoses de l’esprit, et son action expérimentale n’existe qu’en relation avec les plus nobles idéaux. La transmutation du plomb en or représente l’effort de l’être humain tendant vers le Beau et le Vrai, assurant par là sa transmutation spirituelle. Aussi, une fois dépassé le préjugé de vulgaires sorciers entachant l’image des alchimistes, force est de voir en eux des philosophes au sens le plus complet du terme. On comprend en même temps que leur art ait suscité l’intérêt de notre psychologue si l’on considère la richesse spirituelle qu’elle représentait pour l’âme. Tous les symboles dont usaient les alchimistes étaient autant de projections de l’inconscient.

Dans le but de favoriser l’accomplissement de chacun, les alchimistes ont voulu fonder leur art sur une connaissance approfondie de la nature. Selon eux, sous la diversité des choses naturelles, existe une essence commune à laquelle l’homme participe nécessairement. Minéraux, végétaux, animaux, chacun a une âme et la Création entière s’affirme comme l’expression même du Tout puissant. Ainsi ont-ils axé leur intérêt sur la science des corps, laquelle correspondait pour eux à une vision plus naturelle de l’être humain, et donné de la sorte une importance accrue à notre monde intérieur.

La connaissance des lois de la vie de l’homme et de la nature

En définitive, l’alchimie serait la connaissance des lois de la vie de l’homme et de la nature, et la reconstitution du processus par lequel cette vie, souillée par la faute d’Adam, peut recouvrer sa pureté et sa plénitude. Si l’on considère que les « métaux vils » sont l’image de la chair et des désirs les plus triviaux et que la pierre philosophale représente la perfection, le passage du premier au second état serait celui de l’âme succombant à elle-même pour renaître en une existence supérieure. Trouver la Pierre philosophale n’est pas autre chose qu’approcher l’Absolu et posséder la Connaissance parfaite. Elle symbolise la victoire de l’esprit sur la matière, la communion avec Dieu, trouve son expression dans la passion du Christ. Les alchimistes font en effet revivre le mythe du Dieu qui meurt et ressuscite et pensent que la Résurrection de chacun peut être accomplie dans cette vie même. Il suffit pour cela de suivre une ascèse et de renoncer à tout ce qui sur terre entrave le développement de l’être humain authentique. L’alchimie, par son désir de s’élever au dessus des impuretés des passions terrestres, donne tout son sens au mystère de la sainte Trinité. « C’est tout le problème […] du processus de devenir de la personnalité, appelé processus d’individuation, qui s’exprime dans la symbolique alchimiste ».

Rien ne permet d’appréhender au mieux l’apport de l’alchimie dans l’épanouissement de l’individu que sa différence de nature avec la chimie moderne. Certes, celle-ci a succédé à l’alchimie et a concrétisé des intuitions que sa devancière avait formulées. Pourtant elle est avant tout une science et comme telle axe ses préoccupations sur l’analyse des corps simples et leur action les uns sur les autres. Elle ne tourne ses investigations que vers leurs formes extérieures, non leur transformation, et après chaque réaction chimique n’existent que les éléments présents auparavant. C’est plutôt à l’idée de purification, de transcendance et de développement que l’alchimie est attachée. Plus que vers les objets eux-mêmes, elle oriente son attention vers les préoccupations spirituelles de l’individu. Dans le principe d’évolution elle trouve sa vocation pour le plus grand bonheur de la personne humaine.

Par-dessus tout, cet idéal tire sa force du mystère entourant toute sa trame symbolique, car ce n’est que dans la mesure où le langage reste caché qu’il se rendra efficace auprès de l’individu. En cela, l’alchimie est une religion du mystère et montre au mieux l’importance détenue par le secret dans le cheminement spirituel de l’individu. Les alchimistes étaient peu soucieux de dévoiler la clef de leurs symboles car ils estimaient que cela eut enlevé toute leur efficacité à leur science. Révéler un secret est lui ôter toute valeur et l’on ne saurait faire un usage vulgaire de ces supports de sagesse. L’art du Grand Œuvre se rapproche là des célèbres mystères d’Eleusis, ainsi que de toutes les religions ésotériques au sein desquels la spiritualité dépend d’une tradition réservée aux initiés. Du moment que le message religieux n’est pas révélé au plus grand nombre, il dépend seulement de l’individu qui accepte de se soumettre à cette révélation d’en ressentir en lui les bienfaits et de laisser guider son âme par les images qui lui sont proposées. Un fait religieux resté caché fait ainsi toujours la part belle à l’individu indépendamment de la collectivité à laquelle il appartient. La promesse de ne pas dévoiler à ses semblables le contenu du message spirituel garantit l’effet exercé par ce dernier sur sa personne en même temps que reste intacte son indépendance d’esprit. Cela, Jung l’avait relevé lors de ses voyages, ainsi dans le nouveau monde où il fut frappé par le mystère de la religion des Indiens Pueblo. La force maintenant ce peuple, la personnalité qu’il avait su garder, lui venaient de ce secret renfermant ses croyances et grâce auquel survivait sa culture. « La préservation du secret donne au Pueblo fierté et force de résistance en face du Blanc tout-puissant ».

La vie de l’âme

De fait, il est indiscutable que l’art alchimique offre à l’individu une vie de l’âme plus authentique, plus personnelle et plus mystique que celle renvoyée par les croyances officielles. Les alchimistes ont su proposer une voie spirituelle ayant pour avantage de faire connaître à leurs adeptes une vie intérieure plus intime, tout en leur donnant conscience de ce que le culte de leur temps pouvait avoir de figé. Au-delà des dévotions populaires qui étaient le lot de la multitude, leur sagesse se présentait comme une mystique visant à intérioriser Dieu en leur âme par étapes successives. Son but était à terme de trouver l’illumination et c’est en ce sens qu’elle suscitait l’inquiétude de la théologie traditionnelle. L’Église, qui n’avait pour but que de rassembler les fidèles dans une même vie communautaire cimentée par des traditions, n’éprouvait que méfiance envers tout ce qui pouvait détourner les croyants de la vie sociale, en dépit de son attachement au dogme du Saint Esprit. « Alors que, dans l’Église, la différenciation grandissante du rite et du dogme éloignait la conscience de ses racines naturelles dans l’inconscient, l’alchimie et l’astrologie se préoccupaient inlassablement de ne pas laisser tomber en ruine le pont les reliant à la nature, c’est-à-dire à l’âme inconsciente »29. Le secret dont l’alchimie s’entourait faisait passer celle-ci pour un art occulte et comme tel suspect de magie et de superstitions, toutes choses propres à laisser perplexes les membres reconnus de l’autorité ecclésiastique. La tendance à laquelle ceux-ci cédaient vouait l’individu à vivre uniquement en conformité avec des usages imposés. Tout en acceptant les principes du dogme chrétien, l’alchimie proposait à ses adeptes d’ouvrir leur âme à un savoir plus large et une vie religieuse plus profonde. Jung voyait dans la Pierre philosophale, tant rêvée par les alchimistes, un symbole de notre Soi, et considérait que cette philosophie pouvait apporter un intéressant complément au dogme religieux en aidant à l’épanouissement personnel de chacun.

Conte de fée et franc-maçonnerie

Il existe un conte de fée qui exprime cet approfondissement, Blanche neige et les sept nains. « Ah ! que n’ai-je un enfant blanc comme la neige, rouge comme le sang et noir comme le bois de ce cadre ! » dit la mère de Blanche-neige. L’œuvre au blanc, l’œuvre au noir, l’œuvre au rouge, ces trois couleurs marquant les étapes du travail alchimique jusqu’à la pierre philosophale, image du Soi. Le travail des nains s’activant dans leur mine pour en extraire des diamants va dans le même sens, représentent ce désir de l’âme d’extraire en elle le joyau mystérieux et caché. Blanche-neige elle-même meurt finalement à la vie profane pour renaître à la lumière.

Entre cette renaissance prônée par l’art royal et les principes de l’ordre maçonnique existe une intime corrélation. Du statut d’apprenti à celui de maître existent une succession de grades jalonnant le parcours du franc-maçon, lesquels représentent autant de renaissances successives. Chacun doit progressivement acquérir la maturité et la sagesse. Les couleurs blanche, noire et rouge présentes dans les rituels maçonniques en témoignent, même si leur ordre de valeur n’est pas le même que dans l’alchimie. Le tablier blanc de l’apprenti, les draps mortuaires noirs, la couleur rouge visible dans les décors sont autant de symboles à la signification évocatrice.

A travers l’alchimie se perçoit au regard de Jung la faiblesse inhérente à l’évolution de la croyance religieuse. Le message de liberté et d’humanité que Jésus était venu apporter au monde avait été détourné de sa vraie valeur par la civilisation occidentale. Aussi d’autres cultures devaient-elles proposer à l’homme des choix différents visant à lui faire prendre conscience des excès du monde moderne.

Synchronicités, archétypes, alchimie : un penseur unique – Dialogue avec Frédéric Lenoir

L’initiation

Pourquoi l’initiation ?

– « Initium » signifie commencement. L’initiation est le commencement d’une autre vie, le passage vers une autre vie, donc la mort, le renoncement, à une vie antérieure.
Jean SERVIER, dans L’homme et l’Invisible explique :
« L’homme ne se contente pas de naître et de mourir, il cherche l’approche de l’invisible au plus près tout au long de son existence terrestre. Dans toutes les civilisations, d’un bout à l’autre de l’humanité, les rites d’initiation sont considérés bien souvent comme plus importants que les rites de naissance, aussi lourds de signification que les rites de mort ».

– Une réponse d’Alain Pozarnik à la question « Pourquoi l’initiation » sur spiritualites.fr

– Mourir pour vivre ?
Toujours sur le site spiritualites.fr : « Mourir pour vivre et non pas vivre pour mourir. Problématique initiatique, problématique profane. L’un chemine, guidé par l’essence de sa quête. L’autre suit son chemin entrainé par les circonstances de la vie qui le mènent inéluctablement du levant au couchant sans avoir cherché à s’élever au dessus du torrent de la vie et de ses courants incontrôlables. »

LES INITIATIONS : UNE SECONDE NAISSANCE PAR MAURICE GODELIER
France Culture Plus Dec. 2014

Dans de très nombreuses sociétés existent des institutions qu’on appelle « initiations ». Elles consistent à faire franchir aux individus selon leur sexe et selon leur âge certaines étapes dans la connaissance de l’ordre de l’univers, des règles de conduite appropriées dans la société à laquelle ils appartiennent. Ces savoirs sont transmis par étapes au cours de cérémonies. Mais les initiations ne sont pas seulement un processus de transmission de connaissances, ce sont également des institutions prenant en compte pleinement l’éducation sociale des individus.

CC Raphael Vignes / Flickr

Les initiations instituent une division au sein des sociétés entre initiés et non-initiés. Ceux-ci jouissant alors d’un statut social inférieur et subordonné. Une partie des savoirs transmis dans les initiations est ésotérique, c’est-à-dire qu’ils constituent des secrets qu’il ne faut en rien révéler à des moins initiés et surtout à des non-initiés.

Maurice Godelier, anthropologue, directeur d’études, École des hautes études en sciences sociales.initiations

Les initiations une seconde naissance

par Maurice Godelier, anthropologue, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales | France Culture

https://youtu.be/YzlBM5UzmSI



https://www.youtube.com/playlist?list=PLcVdzg-Fhj7BCuMb66HKaiPR1-qUKWpx3
https://youtu.be/Smlo50ZnGo4

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